Derrière les souvenirs qui s’effacent peu à peu, il y a une maladie qui progresse silencieusement. La maladie d’Alzheimer affecte environ 35 millions de personnes dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé, et ce chiffre pourrait doubler d’ici 2050 si aucun traitement curatif n’est trouvé. Bien au-delà d’un simple « trouble de la mémoire », Alzheimer désorganise la pensée, les gestes du quotidien, et bouleverse les relations humaines. Alors que les enjeux sont humains, sociétaux et économiques, la recherche médicale s’efforce de mieux comprendre ses mécanismes et d’ouvrir de nouvelles voies de traitement.
Aux origines de la maladie d’Alzheimer
La double atteinte des neurones
La maladie d’Alzheimer est associée à deux lésions cérébrales majeures. D’une part, l’accumulation anormale de la protéine bêta-amyloïde entre les neurones forme des plaques dites séniles. D’autre part, à l’intérieur des cellules nerveuses, la protéine tau se détache et s’agrège, perturbant leur fonctionnement. Ces deux processus contribuent à la dégénérescence progressive du tissu cérébral, en particulier dans les zones liées à la mémoire et à l’orientation.
Un rôle possible du système immunitaire
Des recherches récentes indiquent que la neuroinflammation, et notamment l’activation chronique des cellules microgliales du cerveau, pourrait accélérer l’évolution de la maladie. Cette hypothèse change le regard porté sur les mécanismes initiaux de la pathologie, longtemps centrés exclusivement sur les protéines amyloïde et tau.
Premiers symptômes et parcours de diagnostic
La perte de mémoire récente est souvent le premier signe identifié, mais d’autres symptômes cognitifs peuvent précéder : désorientation, difficultés à planifier, troubles du langage ou changements d’humeur. Ces manifestations évoluent lentement, ce qui peut retarder la prise en charge.
Aujourd’hui, le diagnostic ne repose plus uniquement sur les tests cognitifs. L’imagerie cérébrale et les biomarqueurs, notamment dans le liquide céphalorachidien ou le sang, permettent une détection plus précoce et plus fiable. Ces avancées facilitent aussi l’inclusion des patients dans des essais cliniques ciblés.
Recherche médicale : prévenir, détecter et agir plus tôt
La stimulation cognitive : un levier non médicamenteux
Au-delà des traitements médicamenteux, la recherche insiste sur l’importance de la stimulation cognitive, qui joue un rôle dans le renforcement des capacités résiduelles du cerveau. Ce travail de rééducation, souvent mené par des orthophonistes ou au sein des équipes spécialisées Alzheimer, vise à retarder l’évolution des troubles en soutenant la mémoire, le langage et l’attention.
Détection précoce : une priorité stratégique
Chaque année, 200 000 personnes reçoivent un diagnostic d’Alzheimer en France, alors même que les lésions cérébrales peuvent être présentes depuis plus de dix ans avant les premiers symptômes. C’est pourquoi la recherche s’oriente vers des outils de détection ultra-précoces. À l’Institut du Cerveau, la chercheuse Ninon Burgos a mis au point une méthode d’imagerie cérébrale associée à l’intelligence artificielle. Elle permet de repérer les zones du cerveau déjà altérées, même chez des sujets asymptomatiques, et d’évaluer la dégradation de manière personnalisée en tenant compte de la structure cérébrale propre à chaque individu.
Des traitements expérimentaux pour des stades précoces
Plusieurs essais cliniques récents ont tenté de réduire les plaques amyloïdes présentes dans le cerveau des patients atteints. Si ces essais ont permis une baisse de la quantité de plaques, ils n’ont pas toujours entraîné d’amélioration clinique notable, en partie, car les patients inclus présentaient une maladie trop avancée. De nouveaux protocoles visent désormais à intervenir bien plus tôt, avant même l’apparition des troubles cognitifs, pour tester des thérapies ciblant la protéine Tau, la neuroinflammation ou encore le stress oxydatif.
La maladie d’Alzheimer ne touche pas seulement une personne, elle réorganise toute une cellule familiale. C’est pourquoi les recherches s’attachent à développer des outils d’accompagnement à la fois plus précoces, plus humains et plus personnalisés.