Les benzodiazépines augmentent-elles le risque de maladie d’Alzheimer ?

Actualités

La prise de benzodiazépines est associée à un risque accru de maladie d’Alzheimer, ce qui ne signifie pas qu’il existe un lien de cause à effet.

En réalité, des individus pourraient prendre ces médicaments parce qu’ils présentent déjà des symptômes de la maladie d’Alzheimer sans le savoir. À noter que ce lien a été remis en question en 2016.

Les benzodiazépines (BZD; ex. Xanax, Valium, Lexomil) sont utiles pour traiter les troubles du sommeil et l’anxiété chez les personnes âgées. On estime que 10 % de la population canadienne utilise ces médicaments, avec un pourcentage encore plus élevé chez les personnes âgées.

Cependant, la communauté médicale reconnaît que l’utilisation à long terme des BZD doit être évitée, car il existe un risque de tolérance et de dépendance.

Une étude confirme en effet qu’un traitement à long terme avec des benzodiazépines (plus de trois mois) augmente jusqu’à 50% le risque de développer la maladie d’Alzheimer.

Les chercheurs ont suivi pendant six ans 1 796 cas d’Alzheimer répertoriés et les ont comparés à plus de 7 000 personnes en bonne santé, de même âge et de même sexe.

L’étude indique que le risque augmente chez ceux qui prenaient des benzodiazépines ayant une longue durée d’action pendant de plus longues périodes.

Selon les auteurs franco-canadiens de l’étude (Inserm et Université de Montréal),  les résultats « renforcent l’idée d’un lien direct possible entre prise de benzodiazépines et la maladie d’Alzheimer ». Ils estiment que les traitements, bien qu’efficaces, ne doivent pas dépasser trois mois.

Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, un tiers des femmes de plus de 65 ans consommaient une benzodiazépine contre l’anxiété et près d’une sur cinq pour dormir.

En 2012,  une étude française portant sur 3 777 individus âgés de 65 ans et plus indiquait également que l’usage chronique (pendant deux à plus de dix ans) de benzodiazépines (BZD; ex. Xanax, Valium, Lexomil) serait responsable de 16 000 à 31 000 cas d’Alzheimer en France.

Selon le professeur Bernard Bégaud, responsable de l’étude, « ce n’est pas tant la nature des médicaments qui est en cause que l’usage qui en est fait.

Les recommandations de traitement de durée courte, c’est-à-dire de quatre à douze semaines, ne sont absolument pas respectées. Des patients en consomment 2 ans, 10 ans, 12 ans, 15 ans, sans jamais arrêter. Et c’est ça qui nous inquiète beaucoup.

Les consommateurs qui les utilisent longtemps ont, plusieurs années plus tard, un risque plus élevé de développer une maladie d’Alzheimer que ceux qui ne consomment pas. Ça fait 20 à 50% de plus que le risque des non-consommateurs, déclare le médecin, qui précise cependant que « ce sont des bons médicaments, utiles, mais sur des durées courtes. »

Selon le Pr Bégaud, 30% des plus de 65 ans consomment des BZD, ce qui est énorme, et le plus souvent de façon chronique ».

Un lien remis en question en 2016

Contrairement à ce qui a été montré auparavant, une nouvelle étude suggère que les benzodiazépines n’accroissent pas le risque de démence. Cependant, les experts avertissent que ces médicaments doivent encore être évités chez les patients âgés en raison du risque de chutes et de confusion.

Les chercheurs américains (Université de Washington School of Pharmacy, Seattle) ont cependant constaté que le risque de démence était légèrement plus élevé chez les patients âgés qui ont eu une exposition aux benzodiazépines de plus de 10 ans.

« Notre étude suggère que les benzodiazépines ne peuvent pas finalement causer de démence, mais nous conseillons toujours les professionnels de la santé de prescrire ces médicaments chez les personnes âgées en raison d’autres effets indésirables, tels que l’augmentation du risque de confusion ou de délire, les chutes, les accidents de voiture, et d’autres types de blessures », déclare le Dr Gray, l’auteur principal de l’étude.

L’analyse a inclus 3434 participants dans la région de Seattle qui étaient sans démence au début de l’étude. L’âge médian des participants était de 74 ans.

Les chercheurs ont calculé, sur une période de 10 ans, la dose cumulative totale qui reflète à la fois la dose et la durée des prescriptions.

Dans l’ensemble, 30% des participants avaient au moins une prescription de benzodiazépines sur une période de 10 ans au début de l’étude. Les benzodiazépines les plus couramment utilisés étaient le témazépam (plusieurs marques), le diazépam (plusieurs marques), le clonazépam (Klonapin, Roche), le triazolam (Halcion, Pharmacia et Upjohn), et le lorazépam (plusieurs marques).

Au cours d’une moyenne de 7,3 ans de suivi, 23,2% des participants ont développé une démence; 79,9% de ces cas ont été associés à la maladie d’Alzheimer.

Résultats : il n’y a pas d’association entre le plus haut taux d’utilisation de benzodiazépine et la démence, par rapport ceux qui n’en prenaient pas.

En revanche, les patients qui consommaient peu ou modéremment des benzodiazépines avaient un risque accru (+25 à 31%) de démence.

« Nous nous attendions à trouver un risque plus élevé seulement chez les personnes qui ont eu une utilisation élevée de benzodiazépines.

Contrairement à nos attentes, nous avons trouvé une légère augmentation du risque de maladie d’Alzheimer chez les personnes ayant une utilisation faible ou modérée de benzodiazépines. »

Cette augmentation reflète probablement le traitement des premiers symptômes du déclin cognitif, avant un diagnostic réel de la démence.
En effet, l’insomnie et l’anxiété sont parmi les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer qui peuvent se manifester bien avant son diagnostic.

Il est probable que la maladie d’Alzheimer au stade précoce soit à l’origine de l’insomnie, ce qui conduit le médecin à prescrire une benzodiazépine au patient.

En effet, avant d’être diagnostiqué, les patients pourraient avoir une période de temps pendant laquelle ils présentent des symptômes tels que l’anxiété, l’insomnie ou la dépression. Les benzodiazépines sont alors souvent utilisées pour traiter ces symptômes.




« Ainsi, l’utilisation des benzodiazépines est une conséquence de la démence, et non la cause. »

Cette nouvelle étude est la première à utiliser les données informatisées de pharmacie pour examiner l’utilisation des benzodiazépines sur une longue période (10 ans).

Une autre différence est dans la façon dont les cas de démence ont été déterminés. Des recherches antérieures ont utilisé les données administratives pour identifier les cas de démence, une méthode qui n’est pas forcément précise.

Dans cette étude, les patients ont été suivis tous les 2 ans dans le but de détecter une éventuelle démence.

Certains médecins restent sceptiques face à ces résultats, malgré une méthodologie rigoureuse. Une des critiques est que cette étude est basée sur les prescriptions et que l’on ne sait pas exactement si les benzodiazépines ont été consommées ou non conformément à la prescription.

Référence

Shelly L Gray et coll. Benzodiazepine use and risk of incident dementia or cognitive decline: prospective population based study BMJ, février 2016.

Sophie Billioti de Gage et coll. Benzodiazepine use and risk of Alzheimer’s disease: case-control study. British Medical Journal août 2014.