Délire

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Le délire  (ou troubles délirants) sont des manifestations cliniques au cours desquelles le patient ne contrôle pas la réalité des choses et a la conviction de détenir la vérité (délirer vient du latin  » deliro  » : s’écarter du sillon, de la ligne droite).

Auparavant, on utilisait le terme de paranoia (origine grecque qui signifie  »pensée à côté »).

Cette mauvaise interprétation de la réalité est confirmée par l’entourage du patient lors de l’examen médical.

Malgré la cohérence des idées et l’irréalité des faits, il est impossible de raisonner le malade.

Les troubles délirants ne doivent pas être confondus avec:

  • les hallucinations que l’on retrouve chez les patients schizophrènes (maladie psychiatrique caractérisée par des psychoses). (Halluciner vient du latin  » hallucinor  » : divaguer, rêver);
  • le delirium (également appelé épisode confusionnel aigü) qui se caractérise par une incohérence des idées, et une altération de la conscience.

Historique

À la fin du XIX siècle, des psychiatres allemands tels que Kraepelin incluent les troubles délirants dans la définition de la paraphrénie, un trouble mental caractérisé par un délire paranoïaque sans hallucinations.

Alors que Kraepelin exclut les hallucinations des critères, Bleuer considère que la schizophrénie est une forme paranoide de démence précoce associée à des hallucinations.

Dans les années, les psychiatres canadiens proposent un spectre paranoide avec plusieurs profils : troubles de la personnalité (limite, évitante), troubles délirants (persécution, mégalomane, jalousie…), troubles psychotiques, paraphrénie (paranoia, psychose paranoide), Troubles organiques (abus de substances, Alzheimer, delirium)

Le délire est-il fréquent chez les personnes âgées ?

La prévalence à vie serait de 0,03% (1% pour la schizophrénie), avec un majorité d’hommes qui souffrent d’un trouble délirant paranoide.

Le trouble délirant survient généralement entre 35 et 45 ans.

Il est difficile d’évaluer le fréquence chez les personnes âgées car, d’une part, le nombre d’études est limitée et, d’autre part, la notion de personne âgée varie d’une étude à l’autre.

On estime cependant que 4% des individus de 65 ans et plus vivant dans la communauté ont des idées de persécution (voir ci-dessous les différents thèmes du délire).

La prévalence serait de 10 % chez les individus âgés de 65 ans et plus admis en milieu hospitalier.

Une autre étude rapporte une fréquence de 7% d’idées délirantes chez les 85 ans et plus.

Quels sont les thèmes récurrents du trouble délirant ?

Les thèmes délirants représentent la base sur laquelle les délires se développent.

Ces thèmes sont ceux de la persécution, du préjudice, de l’intrusion, de la jalousie, de mégalomanie…Ils sont centrés sur sa personne, son corps, sa famille, ses voisins et ses biens.

La persécution

Ce thème est le plus courant. Le sujet est persuadé d’être persécuté, surveillé ou menacé, persuadé de l’existence d’un complot. Les idées de persécution peuvent s’accompagner de crises d’angoisse de mort avec crainte d’un danger imminent ou d’anéantissement. Contrairement au délire de la schizophrénie, le thème délirant persécuteur est clair, avec une certaine logique.

Le préjudice

Le patient a peur de perdre sa propriété, sa santé et sa réputation. Le patient est triste et inquiet. Il critique son entourage. Il pense que l’on pénètre dans sa maison et qu’il risque de perdre sa propriété. Il s’isole et fuit son voisinage.

La ruine, le vol

Le patient est convaincu d’être ruiné, volé, abandonné par son proche.

La jalousie

Le thème porte sur la conviction des infidélités de sa femme. Le délire se développe à partir de la mauvias einterprétation et de l’amplification de faits anodins. La personne jalouse peut engager un détective pour la faire suivre. Ce type de délire est souvent lié à une consommation d’alcool.

L’hypochondrie

Le patient pense être ‘persécuté’ par ses organes ou organismes vivants. C’est le cas par exemple du syndrome d’Eckbom, un état durant lequel le patient a la conviction qu’il est infesté par des petits animaux (insectes, parasites) qui se développent sur ou dans la peau. Beaucoup de ces patients souffrent de psychose maniacodépressive ou de délire paranoïde. Le patient est donc convaincu de souffrir d’une maladie grave mais aussi il peut être convaincu de dégager des mauvaises odeurs.

La mégalomanie

Le patient a une idée exagérée de sa propre valeur, de son pouvoir et de ses connaissances. Il pense avoir une relation exceptionnelle avec une personne célèbre. Il pense avoir été désigné pour accomplir une grande mission. Ce thème est fréquent dans les manies délirantes. Cette mégalomanie se distignue de la schizophrénie paranoide, où la mégalomanie est associée à des symptômes schizophréniques.

Érotomaniaque

Le patient croit qu’il est aimé d’une personne, habituellement d’un niveau plus élevé. Il s’agit surtout d’un amour idéalisé et romantique.

Syndrome de Charles Bonnet

Il survient après une intervention ophtalmologique (provoquée par exemple par une occlusion oculaire brutale), ou chez les patients souffrant de rétinopathie, de cataracte, ou lorsque l’aire visuelle associative est affectée (dans le cas des démences). Il se caractérise par des hallucinations visuelles, colorées riches en détails représentant des personnages ou d’animaux qui ne sont pas menaçants. Les facteurs déclencheurs sont une baisse du niveau de conscience ou une faible luminosité ambiante.

Folie à deux

Syndrome délirant impliquant un couple (mari-femme; père-fille, mère-fille) au cours duquel un des deux partenaires, shizophrénique et de caractère dominant, transmet son délire à son partenaire ayant un handicap physique (ou intellectuel) et une personnalité passive-dépendante. Parfois, le partenaire passif-dépendant est aussi psychotique (on parle alors de folie simultanée). La séparation des deux personnes est généralement nécessaire, pouvant entraîner la disparition du délire chez la deuxième personne, alors que la première sera traitée par antipsychotiques

Comment le médecin diagnostique le délire ?

Le médecin s’appuie sur les critères diagnostiques issus du manuel de psychiatrie américain DSM IV (utilisé en Amérique du Nord) et de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 10e révision (CIM-10, Organisation Mondiale de la Santé), plutôt utilisée en Europe.

Les facteurs qui augmentent le risque de délire

Le déclin cognitif semble être le facteur de risque essentiel.

Il existe également des facteurs biographiques, sociaux ou psychologiques qui favorisent l’apparition d’un délire:

  • Antécédents familiaux de schizophrénie
  • Trouble de la personnalité évitante, limite (borlerline), paranoide.
  • Personnalité paranoïaque ou schizoïde (personnalité qui a tendance à se replier sur elle-même).
  • L’isolement et la solitude (célibat, veuvage).
  • Le manque de tissu social et le repli sur soi (personnalité schizoïde).
  • L’attitude de l’entourage.
  • Le sentiment d’insécurité.
  • Un faible niveau socio-économique.
  • Un faible niveau de scolarité.
  • Déficits sensoriels (auditifs et visuels) qui induisent des interprétation erronées
  • Altérations associées à des maladies physiques (hypoglycémie due au diabète, forte fièvre, troubles électrolytiques, lupus, troubles vasculaires cérébraux)

Délire vieillissant versus délire d’apparition tardive

Il existe deux formes de délire :

1. Le délire diagnostiqué à l’âge adulte et qui persiste durant la vieillesse. L’intensité du délire a tendance à s’estomper.

2. Le délire qui apparaît à l’âge avancé (ou délire d’apparition tardive), c’est-à-dire après 65 ans. Le début est insidieux et s’accompagne parfois d’hallucinations. Cette forme est associée ou non à une affection cérébrale telle que la maladie d’Alzheimer, une démence vasculaire , une dépression , un trouble bipolaire.

A l’âge avancé, les médecins distinguent donc les délires fonctionnels des délires provoqués par une maladie neurologique.

En résumé, les troubles délirants sont classés avec les troubles psychotiques observés dans la schizophrénie:

– Schizophrénie paranoïde, désorganisée, catatonique, indifférenciée…

– Trouble psychotique bref.

– Trouble psychotique partagé (folie à deux).

– Trouble psychotique secondaire à une affection médicale générale.

– Troubles délirants.

– Troubles délirants persistants (paraphrénie* tardive, paranoïa d’involution**) : il englobe toutes les affections comportant un délire accompagné d’hallucinations, en particulier auditives.

Paraphrénie* : délire imaginatif s’organisant autour des thèmes de la grandeur, de la persécution, de la mélancolie, du mysticisme…

Paranoïa d’involution** : délire de revendication apparaissant tardivement.

Le médecin doit tenir compte de la personnalité du patient, de son passé, de son environnement social et affectif et des facteurs somatiques.

Le médecin interroge le patient et son entourage afin de situer l’âge auquel les symptômes sont apparus.

Il cerne la personnalité du patient, son humeur, ses antécédents médicaux, et identifie les thèmes du délire.

L’examen neurologique permet de savoir si une affection cérébrale est à l’origine du délire.

Évaluation du délire

Diverses symptômes peuvent être associés au délire;

  • Hypervigilance. La personne a une mauvaise interprétation des faits observés qu’il observe avec détail.
  • Interprétation personnelle. Il interprète systématiquement ses observations dans un sens univoque qui confirme sa théorie délirante.
  • Méfiance. Il répond de manière irritée quand on l’interroge sur ses thèmes déirants.
  • Hallucination auditives ou visuelles. Elles sont rares dans les troubles délirants.
  • Comportements intempestifs. L patient qui à le sentiment d’être provoqué peut répondre par la défensive, la crainte ou l’aggressivité.
  • Grandiosité. La patient s’accorde uen importance personnelle démesurée. Il devient facilement hostile, se sentant persécuté par des envieux qui veulent le discréditer.
  • Affect dépressif. Certans patients fondent en larmes quand ils rencontrenent une personne réceptive à ses souffrances.

Outils diagnsotiques

Il n’y a pas d’instrument qui évalue spécifiquement le délire chez la personne âgée. Il existe par exemple l’échelle d’évaluation des psychoses chez l’adulte (exemple PDI) ou des troubles psychologiques et comportementaux de la démence (exemple : l’inventaire neuropsychiatrique de la démence).

Enfin, le Le Behavioral Pathologic Rating Scale for Alzheimer’s disease est une échelle d’évaluation des troubles comportementaux qui décrit les différentes formes de délire dans la maladie d’Alzheimer.

Dans le Behavioral Pathologic Rating Scale for Alzheimer’s disease, les différentes formes de délire sont classées par thèmes (le vol, le syndrome de l’imposteur etc.) :

1. Le patient croit qu’il se fait voler des objets (fréquence = 18% à 43%).

Explication probable : le patient ne se rappelle plus de l’emplacement de ses objets personnels, et accusera un proche de leur disparition. Dans les formes graves, il est convaincu que quelqu’un s’introduit dans son domicile dans le but de cacher ou de voler des objets.

2. Le patient croit occuper un domicile qui n’est pas le sien.

Le patient ne se rappelle pas ou ne reconnaît pas son domicile. Il peut finir par le quitter pour rentrer  » chez lui  » (c’est le phénomène de l’errance).

3. L’époux (se) (ou le proche en charge du patient) est perçu comme un imposteur.

Le patient ne reconnaît plus son proche. Il peut également considérer son aide-soignante comme un imposteur, ce qui se traduit par une réaction de méfiance, voire de violence. Dans certains cas, le patient est persuadé que des personnes familières ont été remplacées par des sosies identiques : c’est le syndrome de Capgras, Ces troubles de l’identification sont éprouvantes pour l’entourage car difficiles à gérer.

4. Un sentiment d’abandon (fréquence = 3% à 18%).

Le malade a la conviction d’avoir été abandonné, qu’il sera placé dans un institut, et qu’un complot s’organise dans ce but. Ce sentiment découle du fait qu’il se rend compte de la charge qu’il représente pour son entourage car il conserve une certaine conscience de son état. Les proches se sentent coupables de ce sentiment d’abandon vécu par le patient.

5. Un sentiment d’infidélité (fréquence = 1% à 9%).

Ce sentiment concerne essentiellement le conjoint ou des aidants.

Bien que le diagnostic de délire soit parfois difficile chez une personne atteinte de démence (en effet les personnes atteintes de démence ont déjà un trouble de l’idéation et une confusion), il est possible avec une certaine expérience de faire la différence entre le délire et la démence. En effet, le délire s’accompagne ordinairement :

  • d’un déclenchement brutal des symptômes;
  • d’une baisse ou d’une augmentation de la vigilance chez le patient présentant déjà une démence, ou d’une importante fluctuation des symptômes;
  • d’hallucinations visuelles accompagnées d’agitation;
  • une atteinte de l’activité psychomotrice;
  • de troubles du langage (troubles d’élocution, ralentissement ou accélération du discours);
  • de tremblements.

Une fois que le diagnostic de délire est posé, le choix du traitement dépendra de l’identification de la cause. Ces causes sont multiples et comprennent :

  • les effets secondaires de médicaments;
  • une malnutrition;
  • une infection;
  • des pathologies cérébrales (p. ex. hématomes sous-duraux);
  • des troubles endocriniens (p. ex. hyperthyroïdie);
  • des maladies du métabolisme (p. ex. certaines affections rénales ou hépatiques);
  • des facteurs environnementaux du patient;
  • l’hypoxie provoquée par une pneumonie, une insuffisance cardiaque congestive ou une apnée du sommeil;
  • la rétention urinaire ou un fécalome (accumulation de matières fécales).

Le délire survenant à l’âge adulte (avant 65 ans)

Il englobe les états paranoïaques et les troubles psychotiques diagnostiqués chez l’adulte schizophrène et qui persistent durant la vieillesse. Ces troubles deviennent moins intenses au fur et à mesure que la personne vieillit. On estime que 13% des schizophrènes (généralement diagnostiqués vers la vingtaine) présentent des symptômes initiaux après la quarantaine, et seulement 3% après la soixantaine. Chez cette catégorie de patients, les symptômes négatifs (ex. retrait, indifférence) ont tendance à persévérer tandis que les manifestations délirantes et les hallucinations, principalement auditives, considérées comme des symptômes positifs, ont tendance à s’amenuiser.

Le délire d’apparition tardive (après 65 ans)

Les délires d’apparition tardive sont des délires apparaissant après 65 ans.

Ces délires sont provoqués par exemple par un déficit sensoriel (on parle alors de délire fonctionnel), une maladie mentale (dépression, démence) ou cérébrovasculaire.

L’évaluation des fonctions cognitives, l’interrogation de la famille et un examen cérébral (IRM) permettent de savoir si une démence (démence de type Alzheimer, démence vasculairedémence à corps de Lewy) est à l’origine d’un délire.

Les délires fonctionnels

Ils évoluent sur un mode durable et sont provoqués par:
– une situation stressante (décès, déménagement, entrée dans une institution médicalisée…);
– un déficit sensoriel, cognitif, affectant la communication et la vie relationnelle. C’est le syndrome de Charles Bonnet (voir plus haut), le syndrome d’Eckbom (voir plus haut), la paranoïa des sourds (le patient, souffrant d’hypoacousie sévère, se méfie et se replie sur soi. Il a des hallucinations auditives).

Le délire associé à une dépression

La dépression à l’âge avancé s’accompagne souvent d’un délire: on parle de dépression délirante. 40 % des patients hospitalisés seraient atteints de dépression délirante. Les thèmes du délire concernent la ruine, la culpabilité, l’incurabilité et la persécution.

La dépression délirante peut être mélancolique ou non. En cas de mélancolie, les patients se referment dans le passé, avec des représentations ou des apparitions.

Dans certains cas de dépression délirante, le patient, hypochondriaque, sent ses organes se putréfier et se détruire, pense qu’il a une maladie incurable: c’est le syndrome de Cotard.

Les troubles délirants associés à la maladie d’Alzheimer

Les troubles délirants au début du stade de démence s’articulent principalement autour des oublis.

La fréquence des délires chez les personnes souffrant de démence se situe entre 10% et 73 % selon la population étudiée. Environ un tiers des patients atteints d’une maladie d’Alzheimer probable souffriraient de délires, et sont considérés comme des personnes à risque susceptibles d’agressivité physique. Selon une étude, 80 % des participants présentant des taux élevés d’agressivité physique (> 1 épisode/mois) souffraient également de délires.

Les idées délirantes au début du stade sont liées aux pertes de mémoire. Ils débouchent sur des idées de déplacement et de vol d’objets, d’intrusion au domicile, de spoliation, d’infidélité et de jalousie (15% des cas). Ils peuvent être accompagnés d’une agressivité chez une personne ayant des antécédents psychiatriques. Le délire du compagnon tardif est typique de la démence. Le sujet reconstruit une nouvelle réalité où des personnes du passé ou fantasmatiques viennent lui tenir compagnie.

Au fur et à mesure que la maladie s’aggrave, les idées délirantes ont pour but de combler le vide grandissant provoqué par la perte de mémoire, et puisent dans le reste de souvenirs encore intacts chez le patient.

On observe des délires d’identification au cours desquelles le patient, souffrant de troubles gnosiques, mnésiques et du jugement, perçoit de manière déformée les personnes ou les objets, entraînant des situations mal vécues par l’entourage.

Ainsi, le conjoint peut être pris par exemple pour un imposteur (c’est le syndrome de Capgras), ou bien le patient est convaincu que des personnes prennent l’apparence d’autres (c’est le syndrome de Fregoli), souffre d’un trouble de l’identification de soi dans le miroir (prosopagnosie), a la conviction de la présence de personnes dans la maison, de la certitude que les personnages de la télévision sont dans la pièce et volent les pensées, etc. Ces troubles suscitent de l’anxiété et/ou des troubles comportemenatux (agitation, errance).

La démence secondaire à la maladie de Parkinson

La démence secondaire à la maladie de Parkinson survient après au moins 5 ans d’évolution. Les hallucinations sont retrouvées dans les trois quarts des cas, et sont essentiellement visuelles.

Les délires associées à des affections cérébrovasculaires

Les mini-lésions accroissent le risque de troubles délirants, accompagnés d’hallucinations évoquant la présence d’animaux et de personnes.

Délire et hallucinations

Bien que le délire ne doit pas être confondu avec les hallucinations, une personne souffrant de délire peut avoir des hallucinations, mais celles-ci ne sont pas prédominantes.

Les hallucinations perturbent la faculté des patients de comprendre le monde extérieur. Ce phénomène peut altérer leur capacité d’accomplir des activités de la vie quotidienne et peut nuire à la relation qu’ils entretiennent avec les aidants. La fréquence des hallucinations chez les personnes souffrant de démence varie de 12 à 49 %.

Les hallucinations visuelles sont les plus fréquentes (jusqu’à 30 % des patients souffrant de démence), et elles sont plus courantes dans la démence modérée que dans la démence légère ou grave.

Les hallucinations auditives sont présentes dans 10 % des cas de démence.

Les autres formes d’hallucinations, tactiles et olfactives, sont rares.

Un type courant d’hallucinations visuelles consiste à observer la présence de certaines personnes chez soi, alors qu’en fait elles n’y sont pas. Dans le cas de la démence de Lewy*, les troubles de l’interprétation reposent avant tout sur des déficits gnosiques, et dans une moindre mesure des troubles mnésiques et des défauts de perception sensorielle. Les déficits gnosiques les plus fréquemment observés sont la prosopagnosie (le patient ne reconnaît pas ses proches; 12% des cas), l’agnosie de soi-même (4% des cas), l’intrusion de personnes dans la vie du patient (6% des cas), ou le syndrome du compagnon fantôme (le patient a la conviction qu’une personne se cache à son domicile (17% des cas). Ces hallucinations nécessitent parfois un traitement quand elles constituent une source de stress. Ce traitement est fonction de l’étiologie.

La démence à corps de Lewy* se caractérise par la présence d’hallucinations dans 60 % des cas et ceci à un stade précoce (animaux ou personnages familiers vivants ou décédés.

Il existe une association entre une baisse de l’acuité visuelle et les hallucinations (voir plus haut le syndrome de Bonnet). En effet, un pourcentage significatif de personnes souffrant de démence présentent un déficit visuel (par exemple une agnosie visuelle caractérisée par une difficulté à reconnaître les visages ou les objets), et beaucoup éprouvent des difficultés de perception des contrastes, surtout dans les basses fréquences. En effet, la ligne de démarcation entre les zones d’ombre et de lumière est floue chez les patients déments, ce qui explique en partie le taux élevé des troubles de l’identification et d’hallucinations visuelles.

Pour prévenir ces hallucinations, il faut évaluer la vue des patients atteints de démence et améliorer l’éclairage du domicile.

Le diagnostic différentiel

Le médecin devra écarter le diagnostic de confusion mentale qui peut a priori être confondue avec le délire.

En effet, lors d’un épisode confusionnel, le patient a des convictions qui sont erronées et persistantes.

Dans la confusion mentale, le mode de début est brutal, les troubles sont fluctuants et la vigilance est altérée.

Pour écarter tout doute, le médecin devra déterminer une cause somatique, iatrogène ou toxique.

Des états délirants peuvent être la conséquence d’une démence à corps de Lewy. Dans ce cas, ils précédent le déclin cognitif, ce qui peut conduire le médecin à poser un mauvais diagnostic.

La présence de troubles moteurs (akinésie), la survenue de chutes, un examen cérébral et une hypersensibilité aux antipsychotiques*, orientera le médecin vers le diagnostic de cette forme de démence. * Le médecin prescrit généralement un antipsychotique (ou neuroleptique) aux patients atteints de psychose. Si cette psychose est provoquée par une démence à corps de Lewy, le médicament va entraîner des effets secondaires qui aggraveront les troubles moteurs, un des principaux symptômes de cette forme de démence.

Thérapie

Si le délire est associé à un autre toruble mental, il faut la triter en priorité.

Le traitement idéal comprend :

  • un antidépresseur (de type inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine) dans le cas d’une dépression majeure avec des symptômes psychotiques.
  • un antipsychotique (par exemple le rispéridone ou l’olanzapine) afin de réduire l’anxiété, l’agitation et les troubles du sommeil provoqués par le délire si ce dernier fait partie d’uen schizophrénie.
  • l’acide valproique ou du lithium dans le cas d’un épisode maniaque, avec une benzodiazépine.

Dans le cas des délires associés aux démences (maladie d’Alzheimer ou une démence à corps de Lewy), les inhibiteurs d’acétylcholinestérase (c’est-à-dire le donépezil, la rivastigmine ou la galantamine) diminueraient les agitations reliées au délire. Le recours aux antipsychotiques est possible, à condition d’être prescrit à faibles doses (1 mg/jour pour la rispéridone, 5 mg/jour pour l’olanzapine) et sur une courte période (deux semaines maximum). En effet, les patients âgés souffrant de démence et recevant un antipsychotique ont une risque accru d’AVC. Les antipsychotiques sont déconseillés dans la démence à corps de Lewy car ils aggravent les troubles moteurs.

Une approche non pharmacologique sera associée à un traitement médicamenteux.

Ainsi des séances de psychothérapie seront proposées pour gagner la confiance du patient, afin qu’il puisse exprimer sans réticence ce qui le préoccupe.

Le psychothérapeute devra accepter les propos délirants du patient, sans pour autant y adhérer.

L’équipe soignante peut également améliorer les relations entre le patient et la famille et corriger d’éventuels facteurs qui favorisent ces troubles (correction d’un handicap sensoriel, favoriser les relations sociales, réduire le sentiment d’insécurité etc.).

Une approche non pharmacologique sera associée à un traitement médicamenteux.

Ainsi des séances de psychothérapie seront proposées pour gagner la confiance du patient, afin qu’il puisse exprimer sans réticence ce qui le préoccupe.

Le psychothérapeute devra accepter les propos délirants du patient, sans pour autant y adhérer.

L’équipe soignante peut également améliorer les relations entre le patient et la famille et corriger d’éventuels facteurs qui favorisent ces troubles (handicap sensoriel, absence de relations sociales, sentiment d’insécurité etc.).

Cas pratique

Une femme a été traitée pendant plusieurs décennies pour un trouble bipolaire de type 1 avec du lithium. Son traitement a été arrêté car les rechutes étaient fréquentes. De plus le lithium provoquait chez elle une hypothyroïdie.

Vers l’âge de 70 ans, elle présente des symptômes dépressifs importants accompagnées de pensées délirantes (notamment le délire de persécution).

Les médecins diagnostiquent une mélancolie délirante.

Elle est traitée avec un antidépresseur associé à un antipsychotique.

Son traitement est difficile car, d’une part, elle est persuadée que les médicaments sont prescrits pour aggraver son état physique et que, d’autre part, les aliments sont « empoisonnés » par des médicaments.

Son état mental et physique se détériorent: retrait social, chutes à répétition, incontinence. Elle refuse de prendre son antidépresseur.

Des troubles délirants avec hypochondrie se développent : la patiente pense que son foie n’est plus dans son corps et qu’elle ne peut donc absorber les médicaments que les médecins veulent lui donner.

Un traitement par électroconvulsivothérapie (ECT) est indiqué par les médecins compte tenu de son piètre état nutritionnel. Les médecins obtiennent le consentement écrit d’un des enfants comme le prévoit la loi française (dans le cas présent, les médecins n’ont pu obtenur le consentement de la patiente du fait de son état).

Au bout d’une dizaine de séances, la patiente présente des signes d’amélioration: amélioration des contacts, diminution du délire de persécution.

Un anti-dépresseur et un modulateur de l’humeur sont prescrits.

La patiente accepte cette fois-ci ces traitements.

Les troubles délirants diminuent d’intensité et son état s’améliore : elle discute avec le personnel soignant, lit, se lave seule, bouge etc. son humeur est stable.

Elle rentrera chez elle et bénéficiera d’une aide à domicile.